SCÈNE 4

POMPON
l’artiste
JAMAL
le docteur
BRISÉIS
la princesse
VICTOR
le marin

Une scène vide sans décor

BRISÉIS
en coulisse

Laquelle, la princesse ou la bénédictine ?

POMPON
les mains en porte-voix

La princesse vieille

BRISÉIS
entre tenant sa canne comme un sceptre

C’est qui la niaise ?

POMPON

C’est la princesse mais elle n’a pas l’air vieille

VICTOR

Ouille-aïe-aïe !
Elle n’a pas l’air commode

POMPON

Tiens, il parle arabe lui aussi

JAMAL

Plutôt clic-clac que commode, mais joli galbe

BRISÉIS

J’ai croisé Clémence en coulisse
Elle veux que je répète toutes les scènes avec Victor

POMPON

Clémence ?

BRISÉIS

La maitresse

JAMAL

Victor est aux urgences, un « colocataire » le remplace

VICTOR
timide avec Briséis

Avec les filles, j’avance en mode naïf
Je n’ai encore jamais embrassé avec la langue

BRISÉIS
sans voix, bouche bée

Le décor ?!

POMPON

Maitresse Clémence nous a demandé de le monter avant son retour
Des semaines à le peindre, peine perdue

JAMAL

Trois panneaux en bois de pin peints

POMPON

Une surface de douze litres chacun

BRISÉIS

Soit une grande surface en mètres carrés

VICTOR

Le bois ça boit

JAMAL

Une vraie tartine de pain

BRISÉIS

Description du chef-d’œuvre

POMPON

Côté jardin :
Les vignes de Montmartre baignées de soleil, les vendanges avec les confréries de vignerons et les Poulbots, les ailes des moulins qui mêlent dans le ciel leur silhouette à celle du Sacré-Cœur

JAMAL

Et des mouettes

POMPON

J’aime bien les mouettes

BRISÉIS

J’en reste muette

VICTOR

Les mains moites

POMPON

Côté cour :
Le cabaret du Lapin Agile, Picasso penché à la fenêtre, Apollinaire… le poète, avec le père Frédé et son âne Lolo dans l’enclos

JAMAL

Et des cigognes

POMPON

J’aime bien les cigognes

BRISÉIS

Sauf quand on s’y cogne

VICTOR

Ça met en rogne

POMPON

Et au lointain :
Les arbres élégants, les arbustes touffus, le maquis comme une forêt vierge

JAMAL

Et des Satyres

POMPON

J’aime bien les Satyres

VICTOR

La forêt vierge, le satyre ça l’attire

BRISÉIS

Attention ça tire à la satire

POMPON

Où êtes-vous mes beaux panneaux ?

JAMAL

Victor doit le savoir

VICTOR

Affirmatif !
J’ai pris le clochard en train… d’échanger des planches de pin contre des caisses de vin et une liasse de billets

POMPON

Des billets de train ?

VICTOR

Paris-Brest !
Il parle tout le temps de Paris-Brest, de baba au rhum et de galette

BRISÉIS

C’est pas du gâteau notre affaire

JAMAL

Un clochard pour jouer le rôle d’un clochard…
Sans vouloir gloser

VICTOR

Pourquoi lui ?!

BRISÉIS

Il mendiait devant la Basilique du Sacré-Cœur
Clémence lui a fait l’aumône à la sortie de la messe de Noël, puis elle l’a secouru
Le misérable errait ivre mort dans le square Roland Dorgelès

POMPON

Je m’en vais les lui toucher ses deux mots au clochard

BRISÉIS

Visez juste, il put et il a bu

VICTOR

L’abus d’alcool

JAMAL

Prudence

POMPON

Je suis prudente comme un roseau

VICTOR

C’est prudent le roseau ?

BRISÉIS

C’est souple

JAMAL

Et c’est discret

BRISÉIS

Profitez-en pour dire à Briséis d’enfiler son costume et de nous rejoindre
Elle se promène moitié nue dans les loges

JAMAL

Il peut s’en charger

POMPON

Laquelle Briséis ?

BRISÉIS

L’autre

POMPON
presque sortie

La bénédictine jeune

JAMAL

Il devrait peut-être l’accompagner

POMPON
revient

C’est quoi une bénédictine ?

BRISÉIS

Une bonne sœur

POMPON

Une bonne sœur jeune, une bonne sœur jeune…
Je joue de malchance : hier, on me dérobe mes ébauches d’étiquettes pour les bouteilles de la prochaine vendange, maintenant mes peintures

BRISÉIS

Cocasse

POMPON
sort

Cocasse toi même

VICTOR

Quelle plaie ce clochard

JAMAL

Lui les plaies, il les referme, il les cautérise, il les suture, avec un point tellement serré que quand il ouvrira la bouche, il aura les jambes qui se plient et les bras qui se lèvent

BRISÉIS

Comme il fait son bonhomme

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